Association Présence de Gabriel Marcel




Gabriel Marcel répond au questionnaire de Marcel Proust
(Paru dans Livres de France, août-septembre 1965, n°7)




Quel est, pour vous, le comble de la misère ?
La solitude sans recours dans le dénuement.
Où aimeriez-vous vivre ?
Dans un pays où la misère n’existerait pas, mais où un confort généralisé n’étoufferait cependant pas l’inquiétude spirituelle.
Votre idéal de bonheur terrestre ?
Découvrir en compagnie de ceux que j’aime les inépuisables richesses du monde créé.
Pour quelles fautes avez-vous le plus d’indulgence ?
Celles qui sont imputables à la seule faiblesse et n’impliquent pas le mépris des hommes et la cruauté.
Quels sont les héros de romans que vous préférez ?
Il est difficile de répondre. Certains personnages de George Eliot et de Hardy, de Dostoïevski et de Tchékhov.
Quel est votre personnage historique favori ?
?
Vos héroïnes favorites dans la vie réelle ?
Les femmes qui ont su allier un grand cœur et une parfaite lucidité.
Vos héroïnes dans la fiction ?
Peut-être Mme Arnoux dans L’Éducation sentimentale. Peut-être aussi Dorothée dans Middlemarch.
Votre peintre favori ?
Sûrement Vermeer, mais aussi Rembrandt, Velázquez et quelques grands Français, Watteau, Corot, peut-être Manet.
Votre musicien favori ?
Bach, Beethoven, et le Mozart des dernières œuvres. Mais aussi les Romantiques : Schubert, Schumann, Brahms et bien sûr Moussorgski ; et Debussy et surtout Fauré qui n’est pas encore mis à sa place.
Votre qualité préférée chez l’homme ?
La bonté d’abord, mais aussi la rectitude et la générosité.
Votre qualité préférée chez la femme ?
La sincérité quand elle est jointe à la bonté et à la délicatesse.
Votre occupation préférée ?
Écrire, mais à condition de m’y sentir porté par une nécessité intérieure. Et écouter de la musique.
Qui auriez-vous aimé être ?
?
Le principal trait de mon caractère ?
C’est aux autres de me l’apprendre.
Mon principal défaut ?
Probablement l’impatience et ce que l’on nomme d’un terme vague, la nervosité.
Mon rêve de bonheur ?
J’ai déjà répondu.
Quel serait mon plus grand malheur ?
Perdre ceux que j’aime.
Ce que je voudrais être ?
Compositeur de musique et entièrement consacré à cet art.
La couleur que je préfère ?
?
La fleur que j’aime ?
La rose.
L’oiseau que je préfère ?
Le merle ou le rossignol, à cause de leur chant.
Mes auteurs favoris en prose ?
S’agit-il d’une préférence portant sur le style ? Dans ce cas, je dirai Nietzsche, Valéry. Pascal aussi, bien entendu.
Mes poètes préférés ?
Les grands lyriques anglais, Baudelaire, mais aussi Claudel et Rilke.
Mes héros dans la vie réelle ?
Ceux qui ont lutté pour la justice, sans jamais devenir des fanatiques. Un Jean Moulin me semble assez correspondre à cette définition.
Mes héroïnes dans l’histoire ?
?
Mes noms favoris ?
?
Ce que je déteste par-dessus tout ?
La prétention sous toutes ses formes.
Caractères historiques que je méprise le plus ?
Les fanatiques et les fourbes.
Le fait militaire que j’admire le plus ?
L’histoire militaire ne m’a jamais intéressé.
La réforme que j’admire le plus ?
?
Le don de la nature que j’aimerais avoir ?
Une fraîcheur qui résisterait à l’usure de la vie.
Comment j’aimerais mourir ?
Avec une conscience encore assez éveillée pour remercier Dieu et tous les êtres qui m’ont aimé et comblé.
État présent de mon esprit ?
L’angoisse en présence du monde qui prend forme sous mes yeux et du déclin de toute civilisation.
Ma devise ?
Espérer en Toi pour nous tous.

Présence de Gabriel Marcel
Julien Farges - Archives Husserl de Paris
UMR 8547 - Pays germaniques
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